LES ECHOS EXECUTIVES Le 13/05 à 06:30
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Le marché du coaching aiguise les appétits, d'autant que la profession n'est pas encore réglementée et dépourvue - en théorie du moins - de barrière. - Shutterstock
Tendance Les entreprises désireuses de démontrer qu'elles valorisent le capital humain font de plus en plus appel à des coachs. Entre risques d'arnaque ou de trop grande influence, bien choisir un coach demande du temps et une bonne analyse du marché.
Etre coaché. L'idée est longtemps demeurée taboue en entreprise, et la démarche, alors purement curative et en situation de difficulté, ne se concrétisait qu'à l'abri des regards indiscrets. « Ces dernières années, le regard sur le coaching a changé, avance Claudine Deslandres, coach professionnelle certifiée. L'aveu de faiblesse supposée n'est plus, le coaching est désormais perçu « comme l'accompagnement d'un désir, d'un projet, d'une volonté de dépassement de soi ou comme une aide à une prise de décision délicate », détaille celle qui est aussi responsable de la communication d'ICF France, rattaché à l'International Coach Federation. « Alliance entre le coach et ses clients dans un processus qui suscite, chez eux, réflexion et créativité afin de maximiser leur potentiel personnel et professionnel », le coaching selon la définition d'ICF ne se tourne pas, comme la thérapie, vers les problèmes du passé. Il oriente, au contraire, les coachés vers le futur et l'action. « Le coach n'a pas à donner des solutions. Il doit mener le coaché à prendre ses propres décisions. Son rôle est d'encourager l'autonomie », résume Philippe Rosinski, l'un des pionniers d'une approche dite « intégrative » du coaching.
Passage en revue des bonnes pratiques à l'attention de ceux qui voudraient sauter le pas.
Trier le bon grain de l'ivraie
Lucratif, le marché du coaching aiguise les appétits, d'autant que la profession n'est pas encore réglementée et dépourvue - en théorie du moins - de barrière. En ne considérant que les professionnels formés et certifiés, la France compterait quelque 20.000 coachs, selon un décompte de l'European Mentoring & Coaching Council (EMCC). Pour trier le bon grain de l'ivraie et éviter les déconvenues, les aspirants coachés et leurs entreprises se tournent vers des professionnels dûment formés, voire certifiés par l'une des fédérations de coaching. « S'appuyer sur une première expérience professionnelle - en tant que salarié ou dirigeant - pour être coach ne suffit pas, affirme Claudine Deslandres. Il faut en passer par une école sérieuse, bien établie, avec de préférence des formations en présentiel. »
Nombre de ces écoles - Activision Coaching Institute, Coaching Ways, International Mozaik… - sont classées dans le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), ce qui assure aux formés une reconnaissance de leur certification par l'Etat, et aux coachés d'avoir affaire à un professionnel doté d'une formation solide. De son côté, depuis une quinzaine d'années, HEC Paris Executive Education permet d'accéder à l'Association internationale des coachs certifiés-HEC Paris. En plus de ces garde-fous, il est recommandé de se rendre sur le site en ligne du (de la) coach pour y lire les témoignages et commentaires qui y figurent, et tenter de comprendre sa philosophie.
Veiller au respect d'une stricte confidentialité
La réussite du duo coach-coaché repose sur une relation « intuitu personae », adaptée aux besoins du client et organisée dans un cadre qui lui permet de se confier en toute sincérité. La confidentialité est donc indispensable, d'autant plus lorsque l'entreprise est à l'origine de la demande. « Il n'y a pas de compromis possible ; notre contrat de confiance s'établit ainsi. Charge à nous de résister aux tentatives de certains dirigeants ou DRH de dépasser la ligne jaune. J'ai déjà refusé des contrats qui me paraissaient manipulateurs », confie Caroline Golenko, associée du cabinet d'executive search Boyden. Les entreprises prenant ce type d'engagement souhaitent montrer qu'elles donnent de l'importance au capital humain. Il est donc dans leur propre intérêt de respecter cette indispensable confidentialité. Pour les rassurer toutefois, « il est possible d'organiser un premier rendez-vous entre les ressources humaines, la personne concernée et son manager afin de trouver un consensus sur les objectifs partagés à tenir », conseille Philippe Rosinski.
Trouver une formule adaptée…
Alors que le coaching par visioconférence ou par téléphone tend à se développer, les professionnels, sans le rejeter, s'accordent pour donner une prime au présentiel. « Cela apporte une dimension supplémentaire et permet au coach d'avoir à sa disposition un éventail de possibilités plus large, comme l'utilisation de l'espace ou la manipulation d'objets qui peut faire prendre conscience au coaché d'une dimension qu'il n'avait pas vue précédemment », remarque Claudine Deslandres.
Encadrée par un contrat d'objectif qui influera sur le nombre d'entretiens - généralement compris entre 6 et 12 en entreprise -, la relation est souvent rythmée par des sessions de 60 à 90 minutes, organisées toutes les deux à six semaines en fonction de l'avancée des travaux. En cas de besoin, certains coachs se mettent même à innover en proposant des rendez-vous en extérieur, du coaching en marchant, voire de l'equicoaching .
…et des tarifs adéquats
Autant de prestations qui ont un coût, que d'aucuns pourront juger prohibitif. Notons qu'aucune fédération ne propose de grilles indicatives d'honoraires pour aider à s'y retrouver. Variables selon le profil du coaché, les prix relevés par l'EMCC dans le cadre de son Observatoire des tarifs du coaching professionnel en France - réalisé auprès d'un échantillon représentatif de 200 coachs professionnels - peuvent varier du simple au triple.
Ils s'échelonnent de 210 euros, hors taxes, par heure pour « un manager d'entrée de marché ayant en charge une toute petite équipe très proche de l'opérationnel dans une PME de 100 à 300 collaborateurs implantée dans une agglomération de moins de 200.000 habitants » à 760 euros, hors taxes, par heure pour un membre du comité exécutif d'une très grande entreprise cotée dont le siège est à Paris ou à l'international. « Les écarts tiennent à une valeur attribuée au coach, à son ancienneté, sa spécificité, sa 'technicité', mais parfois aussi à l'image qu'une entreprise ou un manager a d'elle ou de lui-même », précisait le président de l'EMCC, Gabriel Hannes, lors de la présentation de ces résultats. Mais les tarifs peuvent être encore plus élevés. Surtout, les coachs doivent assumer des coûts cachés liés à l'entretien de leurs compétences, à leur éventuelle supervision par un autre coach et aux rencontres avec leurs confrères, qui ont aussi un prix.
Aider le dirigeant et son entourage à s'interroger
Qu'il s'agisse de se pencher sur ses relations avec les pairs, sa gestion du stress ou du temps, son mode de direction des équipes, son positionnement dans une organisation matricielle, ou encore de décrypter des enjeux de pouvoir, c'est l'entreprise qui garde la main sur les objectifs d'un coaching de cadres dirigeants. « Leur personne est au centre du débat, ce qui est rare dans l'organisation toute à son efficacité économique », analyse Caroline Golenko.
Le coaching d'équipe et l'accompagnement de l'ensemble du comité de direction ont aussi le vent en poupe. Pitch devant des investisseurs, levée de fonds, lancement de nouveaux produits ou positionnement pour attirer des talents rares, Xavier Baudard, associé fondateur de Lugh & Co, ancien de l'équipe Visconti, a pour rôle de faire s'interroger le dirigeant. Par exemple, sur les motifs du rachat d'une entreprise six fois plus grosse que la PME de 15 millions d'euros de chiffre d'affaires qu'il dirige. Et « de le soutenir dans la construction de l'argumentation à l'attention des investisseurs et l'aider à préparer les échanges sur le projet avec ses équipes », précise-t-il. Autre option : travailler avec un comité exécutif au sein duquel il ne se passe plus rien. « Les relations entre membres y relevaient du bon voisinage. L'instance avait du mal à trouver le bon mode de fonctionnement pour faire avancer les dossiers », se remémore Xavier Baudard.
Faire monter en compétences les collaborateurs
Historiquement réservé au top management, le coaching séduit de plus en plus de managers intermédiaires, ainsi que des non-cadres. « Les entreprises se sont rendu compte des bénéfices qu'elles pouvaient en tirer en matière de développement personnel des collaborateurs, de fluidité du management et d'amélioration des relations interprofessionnelles », remarque Claudine Deslandres. Utile à un salarié qui aimerait mieux se positionner dans le cadre d'une promotion interne, à un manager qui doit encore prendre la dimension d'un nouveau poste, le coaching s'ouvre même aux dirigeants de TPE, aux artisans commerçants, aux créateurs d'entreprise et même aux particuliers en phase de reconversion.
Recourir à un robot ?
Un coaching pour tous ? Avec la robotisation de l'accompagnement qu'il propose, c'est justement le pari d'Hello Elton. Cette start-up française assoit son approche personnalisée et journalière sur de l'intelligence artificielle. « Grâce à des exercices quotidiens, les utilisateurs se focalisent sur les événements positifs de leur journée. L'objectif est de réancrer la perception du cerveau sur le positif », explique Stéphane Pomares, cofondateur et CEO. Désireux d'apporter une solution technologique à grande échelle pour accompagner le savoir-être, il indique que des « actions de formation en situation de travail, inspirées du coaching sportif basé sur l'exercice et la motivation », complètent le dispositif. De manière paradoxale, la technologie soutient ainsi le développement de compétences comportementales ou « soft skills » que ne remplacerait pas la machine : la capacité d'écoute, la confiance en soi, l'esprit créatif…
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